SOCIÉTÉ D'ÉTUDES BENJAMIN FONDANE

Fondane et Chestov devant l'Histoire N° 5

Jules de Gaultier: le bovarysme et le spectacle

Dominique Guedj

Notre instinct de connaissance est trop puissant pour
que nous puissions encore apprécier un bonheur sans
connaissance, ou le bonheur d'une illusion forte et solide.
Nietzsche

 Présentation de Jules de Gaultier

 C'est dans le salon de Jules de Gaultier que Fondane rencontra Chestov en 1924. Que sait-on aujourd'hui de Jules de Gaultier, de la pensée d'un homme – qu'on appela à l'occasion le "Prospero de la philosophie 1" . Que reste-t-il, sinon ce terme littéraire de “bovarysme”, qu'il forgea, qu'il fit entrer en philosophie, et qui lui aura finalement survécu ?

Né à Paris en 1858 et mort en 1942, Achille-Jules de Gaultier de Laguionie se signale d'abord entre 1895 et 1898 par une série d'articles regroupés dans la Revue Blanche sous le titre d’"Introduction à la vie intellectuelle 2 " . Des thèmes comme "le fondement de l'incertitude" ou le "mensonge vital" laissent présager la direction future de sa réflexion. Mais c'est la rencontre avec la pensée de Nietzsche auquel il consacre un premier article en décembre 1898 qui va se révéler déterminante. La critique désormais ne séparera plus son nom de celui de Nietzsche. Dès 1919, Fondane le présente comme un "philosophe européen connu pour sa nouvelle conception de la théorie de la connaissance . 3 "

Exactement contemporain de Bergson, dont la pensée questionne aussi les rapports entre le vrai et la philosophie, la formation des représentations mentales, il propose comme lui une réflexion dégagée du modèle scientiste en crise héritée du XIXe siècle. C'est à Fondane qu'on doit, dans Images et Livres de France, d'inscrire Gaultier dans un horizon autre que celui de Schopenhauer-Nietzsche: celui de la tradition française dominée alors par le bergsonisme.

Que le mérite de Gaultier ait été reconnu à l’époque, la Revue encyclopédique de l'année 1900 en témoigne. Un compte rendu de son De Kant à Nietzsche 4 le désigne comme le “digne continuateur de Schopenhauer et de Nietzsche”. S'il est vrai qu'il en fut un lecteur averti, qu'il les inscrit bien dans la famille spirituelle des “philosophes de la sensibilité spectaculaire”, il sut néanmoins marquer ses divergences avec le vitalisme de Nietzsche qui lui “interdit d'interposer quelque critère que ce soit entre son amour et l'objet de son amour” 5. Que Nietzsche, par amour de la vie, se soit permis de faire l'économie de la “sensibilité spectaculaire”, est insupportable à Gaultier! Il rompt aussi avec le pessimisme de Schopenhauer qui lui paraît une inacceptable “solution religieuse” 6 de type messianique, la solution au besoin de s'affranchir du vouloir-vivre et de la douleur qui l'accompagne. Par horreur du vivre, Schopenhauer aura manqué de comprendre que la sensibilité esthétique avait le pouvoir de “destituer de son en-soi le monde de la sensation, de le rejeter dans le domaine de la fiction” 7, sans saisir qu'ainsi elle devenait le moyen d'une fin supérieure justificatrice de l'existence: “le spectacle”. D'une manière plus générale, si le pessimisme du XIXe siècle reste le substrat philosophique sur lequel croît le système de Gaultier, sa stratégie de la justification esthétique de l'existence repousse le pessimisme et la négation pure qui l'accompagne.

Il fut en outre un collaborateur très productif à de nombreux journaux et revues dont les plus significatifs furent la Revue de la France moderne, la Revue philosophique, Belles Lettres, et surtout le Mercure de France . C'est donc le premier quart du XXe siècle qui voit la parution de la part essentielle d'une oeuvre qui se situe entre philosophie et critique littéraire. L’étude en roumain publiée en 1922 par le jeune Fundoianu témoigne que, de sa Roumanie natale, il en connaissait le rayonnement tout à fait contemporain, qui ne pouvait que conforter le “fond nietzschéen” de sa jeunesse, la “justification esthétique de l'existence”, que Gaultier rendait possible philosophiquement, avec la sensibilité spectaculaire et le bovarysme à partir du “non-vrai comme condition de l'existence” conformément à la formule de Par-delà le bien et le mal .

Le “bovarysme” et le “spectacle” sont les deux pivots de cette pensée que le premier paragraphe de l'article de Fundoianu “De l'Ethique au Spectacle" (1919), situe clairement: “Ce chapitre devrait se nommer: Instinct vital et instinct de connaissance. Et il pourrait se nommer encore: conception éthique et conception spectaculaire. De tels titres – ou sous-titres – … proviennent tous du système d'idées … dont le nom bovarysme, a été emprunté à la célèbre héroïne du roman de Flaubert”.

Tout est dit: “instinct vital” contre “instinct de connaissance”, “conception éthique” contre “conception spectaculaire”, “bovarysme”. Il faut leur ajouter cependant deux concepts: celui de “philosophie de la relation” (opposée à “la pensée d'identité”) et celui de principe “d'illusionnisme” érigé en protestation contre la croyance à la réalité objective de l'idée.

Instinct de Vie et Instinct de Connaissance

C'est essentiellement dans De Kant à Nietzsche que Gaultier, fidèle à sa conception de l'existence comme représentation, a su créer ces deux indispensables “Dramatis Personae” pour signifier deux puissances vitales se disputant l'esprit des hommes et posant la question philosophique essentielle à ses yeux: "Comment la vie laisse-t-elle place à la manifestation de son contraire, l'état de Connaissance qui, dissipant l'illusion nécessaire à la Vie, met la vie en péril ?" 8

Gaultier fait de son De Kant à Nietzsche “une sorte de récit légendaire, dont il a fallu (…) présenter les personnages et faire pressentir les péripéties” 9.

“L'instinct de vie”, symbolisé par Platon et le Judaïsme est opposé à “l'instinct de connaissance”, représenté par Kant et l'Hindouisme. La fonction de l'instinct de vie y est la création constante de l'illusion nécessaire à la vie, ce qu'il appelle les “ idoles”. En face, “l'instinct de connaissance”, dont l'essence est nihiliste: “il n'apparaît point qu'il ne ruine”. 10

On aurait tort d'en conclure pourtant à la suprématie d'une connaissance démystificatrice sur la naïveté de la croyance vitale. C'est l'inverse. L'instinct de connaissance

“en accomplissant cette tâche où il se satisfait , (…) n'est, à vrai dire, qu'un moyen utilisé par un instinct plus fort. (…) L'intervention de la Connaissance a donc en définitive pour effet de faciliter l'avènement d'un culte nouveau” 11

Fidèle à la geste mythologique pessimiste héritée de Schopenhauer, l'instinct de connaissance reste soumis à l'instinct de vie, dans un rapport de ruse, de même que chez Schopenhauer le vouloir-vivre dupait le désir humain quant à sa finalité . Créativité de l'instinct de vie contre le stratagème nihiliste de la connaissance qui exige désormais des illusions philosophiques d 'être non seulement utiles, mais vraies. Le vrai de la connaissance est donc reconnu pour la mère de toutes les idoles .

Ainsi posé, l’enjeu entre instinct de vie et instinct de connaissance est reconnu pour une ruse de l'esprit “qui, ne pouvant expliquer le fait de connaissance par le fait de l'Existence, renverse les termes du problème et confère à la Connaissance le pouvoir de créer l'Etre”. Cette ruse est, pour Gaultier, le procédé de l’“homme primitif” construisant de ses mains l'idole de laquelle il croit tenir l'existence, un “procédé qu'il faut tenir, en raison de son apparition ancienne, pour essentiellement humain et pour le mécanisme même de l'instinct vital”. Procédé enclenché par Platon et la Bible, achevé ensuite avec la théologie chrétienne qui s'avère “l'idée la plus antinomique et la mieux faite pour retarder la solution du problème de la Connaissance. (…) philosophiquement, le lieu même de l'absurde”. Solution au problème de la Connaissance que Gaultier trouvera dans le “spectacle” ou “conception spectaculaire de l'existence”, dont l’élaboration sera reprise et achevée dans La Sensibilité métaphysique .

Le bovarysme

Dès la première ligne, Fondane s'interroge sur la provenance de cette notion chez Gaultier: “Est-il parti ou non de Flaubert pour construire son système métaphysique (…) la suite le déterminera”. 12 Gaultier, de bonne heure, avait répondu à la question: “Le bovarysme, tel qu'il s'exprime dans la plupart de ses personnages, est un cas particulier de la notion que j'ai fait tenir dans ce terme” 13 A partir de Flaubert, c'est la philosophie – conçue comme une théorie de la connaissance, comme une “critique” au sens kantien du terme de cette même connaissance – que veut éclairer le bovarysme 14. Et ce bovarysme- s'il émerge d'une lecture fine et serrée de l’oeuvre du maître de Croisset, n'en appartient pourtant pas moins à Gaultier seul. On ne peut confondre le bovarysme de Flaubert avec celui de Gaultier. Le premier est le symptôme d’une crise, d’une impuissance vis-à-vis du réel et de l’existence, tandis que le second se voit promu outil de connaissance. Gaultier donne du bovarysme la définition d'une faculté essentielle à l'individu, d'un “pouvoir départi à l'homme de se concevoir autre qu'il n'est 15. “Au sens philosophique, le bovarysme est la nécessité psychologique, selon laquelle toute activité qui prend conscience de sa propre action la déforme, par le geste même dont elle s'en empare dans la connaissance”. 16

C'est bien entendu d'abord sous son “aspect morbide” chez Emma Bovary que Gaultier en voit le processus poussé à son extrême conséquence éternelle “défaillance de la personnalité toujours associée à l'impuissance vis -à -vis du modèle” 17. C'est cette connaissance viciée et anticipée des réalités chez Emma Bovary qu'il nomme à la suite de Paul Bourget le mal de la Pensée, de cette “Pensée qui précède l'existence au lieu de s'y assujettir” 18. Et, écrit Gaultier: “A prendre le mot au sens strictement philosophique, Madame Bovary est une idéaliste.” 19 Mais Gaultier ne s'arrête pas au cas quasi pathologique d'Emma Bovary. Chez tous les personnages flaubertiens, principaux et secondaires, il relève ce bovarysme fondamental qui fait l'unité et la cohérence de l’oeuvre de Flaubert. “Bovarysme de la connaissance” et de son “délire pour connaître au-delà des limites possibles de la connaissance humaine” dans La Tentation de Saint Antoine, “bovarysme des religions et de la métaphysique” comme l’écrira Fondane, dans La Tentation toujours et dans Salammbô. Bovarysme de la science et du scientisme arrogant dans Bouvard et Pécuchet où “L'intelligence humaine, la faculté de comprendre elle-même devient le thème de la représentation et nous apparaît atteinte du même mal (…). D'une façon essentielle elle se méconnaît, elle se forge une fausse conception de son pouvoir, visant des buts qu'elle ne peut toucher, se réalisant selon des formes qu'elle n'avait pas prévues”.

Bovarysme de l'éducation et de la sensibilité dans L'Education sentimentale et, d'une manière générale, "duperie intellectuelle" chez les personnages de second plan, dont les personnages de notables, font en général les frais de la caricature . La forme globale qui intéresse Gaultier, dès 1898, sera le "bovarysme moral" parce qu'il engendre plusieurs illusions philosophiques: l'illusion du libre-arbitre avec pour conséquence la croyance en la responsabilité et en l'unité du moi. Mais le bovarysme l'intéresse surtout en tant que faculté essentielle de l'individu à l’état “normal”, pour son “universalité”, son “utilité” voire sa "nécessité " et son "rôle comme cause et moyen essentiel de l’évolution dans l'humanité " . Fondane, dès 1919, est conscient de l'intérêt de cette extension de l'essence bovaryque de l'individu au groupe et il l'utilisera pour sa réflexion sur le messianisme juif, où il dira en substance que c'est pour avoir cru à la fiction du peuple élu que le peuple juif est devenu le peuple élu. Bovarysme et force vitale deviennent inextricablement liés . 20

La modalité pathologique n'est donc qu'un mode restreint du bovarysme, le second s'inscrit dans ce que Gaultier a appelé “la fiction universelle”. Le Bovarysme, en effet, se voit complété un an plus tard (1903) par un second volume, justement intitulé : La Fiction universelle. 21 Dans cet essai l'universalité du pouvoir d'imaginer octroie au bovarysme sa véritable destination. Elle utilise le bovarysme comme tremplin vers un “idéalisme” esthétique où il acquiert sa fonction bénéfique. Il se dévoile comme le lieu où il faut “considérer comme la modalité normale de la vie cette contrariété selon laquelle, sous le regard de la conscience, toutes les choses se conçoivent autres qu'elles ne sont” 22, où “il y a identité entre connaître les choses et les connaître autres qu'elles ne sont”. 23

Voici donc fixée à partir de l'universalité du bovarysme la loi du divers et du changement, de la dualité sujet/objet et celle du monde de la relation. Mais au lieu d'engendrer la méfiance vis -à -vis de l'erreur ou de l'illusion, elle est - pour Gaultier - source de joie; la substance esthétique de la réalité. Et si aucun en soi rationnel n'est plus possible dans ce monde tenu pour phénomène d'illusion, cette constatation reste subalterne. L'important est de situer dans le spectacle, et non dans l'existence, la raison d’être esthétique de la réalité . Il s'agit donc pour le bovarysme de remplacer l’éthique par le spectacle .

Le bovarysme morbide et pathologique des personnages flaubertiens devient créateur de réalité dans le contexte philosophique de Gaultier. La seconde partie du Bovarysme et de la Fiction universelle insistent sur le caractère bienfaisant du bovarysme lorsqu'il permet à l'individu comme au groupe de réaliser son être propre, de le hausser vers un au-delà que seule la puissance de l'illusionnisme a pu lui suggérer. “Appareil de mouvement”, créateur de non -identité et de discontinu 24, le bovarysme permet “l'accroissement des savoirs et des richesses humaines”, le “progrès”, il se confond même avec “la faculté d’éducation”. Et il devient, en dernier lieu “un pouvoir d'exhaussement” 25 de l'espèce. Gaultier voit dans le bovarysme une double erreur créatrice aux conséquences spectaculaires bénéfiques: “L'erreur du soi sur le soi dans l'individu” et "L'erreur du soi sur le soi dans l'humanité” 26. On voit se profiler ici à l'horizon un messianisme bovaryque, très semblable à celui du Progrès, que Gaultier n'hésitait pourtant pas à pourfendre dans sa critique de la métaphysique .

Le spectacle de la vie phénoménale

Pour Gaultier, l'utilité du bovarysme sous sa forme universelle, est de donner une matière variée et inépuisable au drame phénoménal, au “spectacle” de la vie phénoménale, afin que le spectateur puisse la contempler comme illusion, sans finalité ni réalité autres que celles d’être comme elle est: une justification esthétique qui porte en elle toute sa joie parce qu'elle est contemplation de la beauté du phénomène. Mais que se passe-t-il si cette contemplation spectaculaire n'aboutit pas à la beauté, mais à la laideur ou à l'indifférence? Gaultier omet de nous le dire. Sans la certitude de la beauté, tout le système spectaculaire de Gaultier s’écroule. Comment sans la beauté accéder à la joie esthétique, alors qu'elle doit être “une compensation et une justification de toute la douleur” 27. Conscient à l'extrême de la fatalité de toutes les formes de bovarysme, loin de s'en réjouir ou d'y voir un moteur pour l'humanité , Flaubert en souffrait comme d'une inutile et inévitable 28 farce tragique, tandis que pour Gaultier au contraire – dégagé du jouir et du souffrir de la farce métaphysique - il est nécessaire que la farce perdure pour la majorité des hommes, afin que le spectateur, esprit d’élite, puisse sereinement continuer à la contempler. Pour qu'il y ait spectateur, il faut qu'il y ait spectacle et permanence de l'erreur. C'est uniquement à cette élite très restreinte, en principe dégagée de l'erreur, que s'adressera l'esthétique du spectacle .

Le texte de Fondane dans Images et Livres de France

Quel Gaultier Fondane commente-t-il dans Images et Livres de France car, depuis 1892, Gaultier n'a cessé d’élargir la portée philosophique du spectacle et du bovarysme. A l'examen du texte, c'est le Gaultier du Bovarysme, du De Kant à Nietzsche et du Génie de Flaubert qui semble concerné . A partir de La Sensibilité métaphysique de 1924, la conception spectaculaire prend une ampleur philosophique inégalée incompatible avec les préoccupations de Fondane; ampleur philosophique éprise de Spinoza, de perfection spéculative .

Déjà en 1906 dans Les Raisons de l'idéalisme le rôle proposé au spectacle ne pouvait que déplaire à Fondane. Sorte de curiosité de badaud à l’égard de la représentation phénoménale, qui “par la joie qu'elle distribue a le pouvoir de nous distraire de nous-mêmes” 29, de s'opposer au monde de la sensation. On conçoit la méfiance de Fondane à l’égard de cette curiosité destinée à valoriser l'oubli de soi.

De quand a pu dater la séparation? Certainement du moment où Gaultier a exprimé son refus de la conception messianique en laquelle il voyait pourtant au départ l’Erreur créatrice par excellence. En 1928 Fondane écrira: “(…) il va donc être avec Nietzsche pour le mensonge heureux, pour le mensonge efficace, qui entretient et attise le miracle de la vie. Cependant voilà qu’il se dresse conter la sensibilité messianique, créatrice de ces mensonges, et institue à la place une nouvelle sensibilité qu’il appelle ‘spectaculaire’.” Or, dès 1919, on a vu Fondane valoriser l'idée de “sensibilité messianique” pour notamment expliquer la spécificité du peuple juif, son destin historique et spirituel, indépendamment des horreurs de l'Histoire qui en donnaient le démenti “objectif”.

C’est dans La Sensibilité métaphysique que Gaultier définit la notion de “sensibilité messianique”. Il s’agit de “ la croyance à une évolution, à travers un temps réel, d’un état imparfait et douloureux de la vie vers un état parfait et bienheureux”. Exprimée au mieux dans la Bible des Hébreux et reprise par le christianisme qui lui confère son universalité, la sensibilité messianique est, selon Gaultier, soutenue par le principe de “participation affective” (au sens de Lévy-Bruhl). Elle s’exprime encore dans ce primat de la morale “chez des philosophes rationalistes contemporains qui s’appliquent à introduire dans la raison un principe méthodique d’orientation vers des fins morales” (p.56), tout comme dans les pensées modernes de Comte ou de Renan et dans l’idéologie du Progrès en générale. “Cette sensibilité inspire et domine notre philosophie presque toute entière. Ce n’est pas un article, c’est un volume qu’il faudrait composer, si l’on assumait la tâche de la déceler et de la montrer triomphante dans l’immense majorité des systèmes” (p.67). Gaultier se propose dans cet ouvrage de “mettre en évidence l’existence d’une sensibilité métaphysique et son identification historique et concrète avec la conception messianique de l’existence” (p.67).

De sorte que qu’en 1924, à son arrivée à Paris, Fondane avait probablement commencé à s’éloigner de Gaultier 30. Et l'article de 1943 confirmera que la question du messianisme fut bien la pierre d'achoppement néanmoins cette rupture avec le mode de pensée de sa jeunesse ne signifie nullement que certains éléments de la pensée de Gaultier ne soient pas restés présents, quoique modifiés et intériorisés par un Fondane plus critique. On retrouve à l’oeuvre, dans des textes ultérieurs, l'influence de Gaultier. Car Fondane a trouvé en Gaultier et ce bien avant la rencontre avec Chestov, des idées, des préoccupations et des formules quasi chestoviennes, qui l'ont certainement fasciné. 31

En fait, il y a deux Gaultier: le penseur du bovarysme du début (1898), c'est celui auquel Fondane souscrit: le penseur de l'erreur sur soi créatrice, et le Gaultier - philosophe “idéaliste” de la sensibilité spectaculaire – dont Fondane sceptique dira qu'elle est une “baguette de mercure” destinée à “métamorphoser la laideur en beauté pour mieux “renoncer au monde”. 32

Dans les années 1919-1922, ce qui intéresse le jeune Fondane chez Gaultier, est la réhabilitation de la puissance fondatrice de l'Erreur originelle et de l'illusion, dans la production de l'acte, dans la création de réalité . En un mot la réhabilitation du non-vrai nietzschéen comme condition de l’existence. Préoccupation qu'il exprime au mieux dans “De l’Ethique au Spectacle” au sujet du peuple juif, et qu'il reprend dans cet article d’Images et Livres de France. 33 Il souligne aussi avec intérêt la tentative de Gaultier de fonder une “méthode de critique littéraire” sur le “principe de l'illusion” et la “perspective de l'Erreur”. Grâce à l'Erreur première, c'est le vieux fonds cartésien français que le bovarysme de Gaultier remet en question, la vieille suspicion rationaliste à l’égard de tout ce que le doute cartésien dénonce comme illusion de l'imagination, suggestion des passions, et qui, depuis le XVIIe siècle en France, n'est pas resté cantonné au strict domaine de la philosophie mais a régenté les conceptions littéraires et artistiques. C'est ce vieux fonds cartésien appliqué au domaine de la critique littéraire que Gaultier mine en rêvant cette critique littéraire fondée sur les perspectives de l'illusion, relayée par le non-vrai nietzschéen. Aussi Fondane a-t-il raison de souligner combien la philosophie de Gaultier reste inséparable de la littérature, de sa réception, et d’insister sur l'ambition d'un projet critique impossible selon lui à réaliser: “Sous cette perspective de l'Erreur, il faudrait recomposer l'histoire entière de la littérature” , écrit-il .

C'est dans la littérature que la pensée de Gaultier trouve sa matière et son maître, par la littérature que la puissance de l'erreur est restituée puis transmise à la philosophie. 34

Il suffit pour s'en convaincre d'examiner l'admiration que Gaultier voue à Flaubert, au suprême talent de l'artiste qui seul peut poser le bovarysme – “piège mythologique de l'erreur sur soi qui conduit et soumet l'homme réel” 35 - de façon supérieure à toute philosophie consciente d'elle-même. Car Gaultier, philosophe de la sensibilité spectaculaire, ne saurait concevoir la philosophie autrement que comme oeuvre d'art, ainsi que l'avait si justement remarqué Georges Palante, son disciple le plus enthousiaste. 36 Quant aux potentialités existentielles et métaphysiques de l'erreur, mesurons le chemin parcouru par Fondane depuis les conceptions héritées de Gaultier, en relisant ces lignes: “que se trouve-t-il donc derrière l'Erreur et l'absurdité? L'espoir. Et que nous promet cet Espoir? L'impossible” 37

Le chapitre de Images et Livres de France est conçu en deux parties: un résumé -commentaire de la pensée et des concepts de Gaultier à partir de citations tirées du Bovarysme, du De Kant à Nietzsche et du Génie de Flaubert. A quoi tient l'apport critique propre à Fondane? Certainement à l'inscription de Gaultier dans un courant qu'il tient pour typiquement français d’“artistes de la connaissance”. C'est donc sur fond de scission française autour de la question du rôle de la métaphysique dans la connaissance qu’il voit deux “traditions” s’opposer: “une tradition française, dilettante et épicurienne, qui refuse de se reconnaître dans le système si ingénieux de Bergson, pour se reconnaître avec joie dans la métaphysique de Gaultier”.

Deux pensées exactement contemporaines se font face. Elles procèdent de l'abandon des méthodes du scientisme en critique littéraire. Deux pensées qui, chacune à sa manière, entendent s'atteler à la relation entre instinct et intelligence - pour Bergson – entre instinct vital et instinct de connaissance - pour Gaultier - à la réalité conçue comme “drame” chez Bergson et comme “spectacle” chez Gaultier à l’équilibre entre “instinct” ou “élan vital” et “fonction fabulatrice” chez Bergson, et “instinct de vie” et sensibilité spectaculaire chez Gaultier. Deux pensées qui chacune entendent repenser le statut de l'imaginaire en philosophie; des “représentations vitales” chez Bergson –des “fictions” – chez Gaultier.

C'est probablement à L'Introduction à la métaphysique (1903) que songe Fondane en évoquant le système ingénieux de Bergson qui confond volontairement “par excès de vitalisme, (…) objet et sujet, existence et connaissance.” A l'apologie bergsonienne de l'immédiateté intuitive de la connaissance (opposée à l'analyse) répond le bovarysme de Gaultier. Et le bovarysme, c'est le sourire de Gaultier; le dernier mot de la Connaissance répondant d'avance à l’élan vital, à l’“intuition”, aux “données immédiates de la conscience” et plus tard à la “fonction fabulatrice” de Bergson. Que le système de Bergson soit “plus vaste et plus personnel”, Fondane n'en disconvient pas, mais il lui oppose le sourire de Gaultier. 38 Bergson veut “sympathiser avec la réalité” 39 –et non la distancier en tant que spectacle – il aspire par l'intuition à trouver la chose derrière le mot à “ transcender les concepts pour retrouver l'intuition métaphysique” et “ressaisir l'intuition simple du moi par le moi”; pour (comme il le dira lui-même) donner raison au sens commun. Gaultier lui oppose … rien moins que le processus ironique de la connaissance qui d'avance invalide toute la construction bergsonienne: “La faculté de se concevoir autrement que l'on est: voilà le sourire de Gaultier; car le bovarysme intervient chaque fois que le sujet est placé face à lui-même en tant qu'objet – c'est-à -dire toujours . ” 40 Ce sourire de la connaissance réfutant toute possibilité par une acrobatie de la métaphysique bergsonienne d’accéder par l’intuition à la réalité nouménale. A l’opposé Bergson parlera de la “sympathie” comme d'un mouvement qui “ne sera plus saisi du dehors (…) mais en quelque sorte du dedans, en lui, en soi”, c'est-à dire d'un “absolu” qu’il appartient à la métaphysique de nous rendre: “S'il existe un moyen de posséder une réalité absolument au lieu de la connaître relativement, de se placer en elle au lieu d'adopter des points de vue sur elle, d'en avoir l'intuition au lieu d'en faire l'analyse, enfin de la saisir en dehors de toute expression, traduction ou représentation symbolique, la métaphysique est cela même. La métaphysique est donc la science qui prétend se passer de symboles”. 41

Or on sait à quel point chez Gaultier le refus de substituer la perspective de l'absolu à celle du relatif, constitue la fonction même de la connaissance. C'est l'illusion fondamentale inhérente au bovarysme philosophique qui empêche cette substitution de perspectives de l'absolu métaphysique de Bergson au relatif de la connaissance chez Gaultier . Il est intéressant de voir Fondane suivre ici la théorie spectaculaire de la connaissance de Gaultier et non la pensée de l'absolu métaphysique de Bergson, lorsqu'on sait que peu après Fondane s’éloignera de Gaultier au nom même de la “sensibilité messianique” d'ordre métaphysique. Curieux de le voir accepter les prérogatives de la connaissance. Ceci est possible, si l'on donne à la connaissance la très nietzschéenne fonction de justification esthétique de l'existence. Et apparemment cette justification esthétique n'admet pas un “vitalisme” bergsonien qui saute par-dessus les processus de la conscience, par-desus l’inadéquation sujet/objet qu'il appellera plus tard “conscience malheureuse”, qui s'oppose à l’immédiat des données de la conscience. On a vu Fondane en 1919 présenter Gaultier comme le philosophe d'une nouvelle conception de la théorie de la connaissance, c'est comme tel qu'il le suit contre Bergson. Et Fondane de confirmer : “Le bovarysme de Gaultier reprend la théorie de la connaissance de Kant, dans laquelle toutes les conséquences abandonnées par celui-ci sont reprises et analysées. C'est une théorie de la connaissance intégrale”.

Je ne voudrais pas conclure ce survol de la relation intellectuelle entre Fondane et Gaultier sans relever l'imparable argument qu'oppose Fondane à son maître d’autrefois. Il touche à la notion de “spectateur” dont Fondane dévoile qu'elle est elle-même un bovarysme, une illusion sur soi-même. Gaultier s'est cru spectateur dans ce monde phénoménal, tandis qu'il n 'était qu'acteur inconscient de son rôle, comme chacun de nous tous. C'est qu'il existe aussi un bovarysme du spectacle, dont je laisserai à Fondane, pour conclure, le soin de dire le rôle: “Comme tout drame a ses passages d’arrêt, et d'ironie, le drame phénoménal ne dédaigne pas de confier à l'un de ses comparses un petit texte par lequel il se nie (…). Il ne méprise, pour nous faire jouer dans la farce vitale, nul appât, pas même celui de l’oeuvre d'art et du sentiment spectaculaire. Car, tout au moins eu égard à l'homme, le monde est un spectacle qui comporte une infinité d'acteurs – et pas le moindre spectateur.” 42

Articles de Fondane consacrés à Jules de Gaultier

“De la Etica la Spectacol”, Mântuirea, 12 et 19 nov. 1919.
“Bovarism”, Rampa, 7 août 1921.
“Etica si spectacol”, Sburatorul literar, 26 mai 1922.
“Réflexions sur le spectacle”, Cahiers de l’Etoile, no 8, mars-avril 1928.
“Réflexions sur le spectacle” (fragments), Unu, juin 1929.
“Jules de Gaultier” (article nécrologique), Cahiers du Sud, no 255, 1943.

Ouvrages de Jules de Gaultier provenant de la bibliothèque de Fondane, conservés dans le Fonds Fondane de la bibliothèque de Royaumont:

 Nietzsche et la réforme philosophique (1904)
Comment naissent les dogmes (1912)
Le Génie de Flaubert (1913)

Correspondance

Trois lettres de Jules de Gaultier à Benjamin Fondane ont été publiées dans la revue Le Beffroi (Québec) en septembre 1988.
La lettre du 3 novembre 1933 se rapporte à Rimbaud le voyou. Elle a été republiée dans Le Voyageur n’a pas fini de voyager, Paris-Méditerranée, 1996.
La lettre du 5 septembre 1936 commente La Conscience malheureuse.
La lettre du 26 mai 1937 contient un jugement sur Titanic.


1 Principaux ouvrages: De Kant à Nietzsche, Mercure de France,1900, Le Bovarysme, Mercure de France, 1902, La Fiction universelle, Mercure de France,1903, Nietzsche et la réforme philosophique 1904, Mercure de France, Les Raisons de l’idéalisme, Mercure de France, 1906, La Dépendance de la morale et l’Indépendance des moeurs, Mercure de France, 1907, Le Génie de Flaubert, Mercure de France, 1913, La Sensibilité métaphysique, F. Alcan, 1924.

2 "Introduction à la vie intellectuelle” 1er déc. 1895, 15 janv., 15 mars et 1er août 1897; “Les Goncourt et l’idée de l’art” 1er mai 1897; “Ibsen”, 15 mars-1er avril 1898; “Tolstoï”, 5 sept.1898; “Nietzsche”, 1er déc.1898.

3 “De l’Ethique au Spectacle”, Mântuirea, I, 1919, no262,12 nov.p.1. Ce texte est reproduit en annexe.

4 Ouvrage qualifié “d’étude de philosophie générale des plus importantes qu’on ait vues depuis bien longtemps”, Revue encyclopédique, 1900, p.425.

5 La Sensibilité métaphysique, p.116-117.

6 Ibid., p.115.

7 Ibid.,p.115.

8 De Kant à Nietzsche, p.16.

9 Ibid.,p.19.

10 Ibid., p.18.

11 Ibid., p.19.

12 B.Fondane, Images et Livres de France, “Jules de Gaultier et l’art”.

13 Le Génie de Flaubert, Introduction, p.5.

14 L’ídée d’un Flaubert philosophe est partagée à la même époque par Lucien Lévy-Bruhl auteur d’un article intitulé “Flaubert philosophe”, Revue de Paris,VII-I, 15 février 1900, p.836-852. Signalons encore que l’oeuvre de Lévy-Bruhl semble familière à Gaultier qui mentionne et utilise pour ses propres fins la notion de “participation” dans son entreprise de critique de la métaphysique messianique. Gaultier définit notamment dans le chapitre III de la Sensibilité métaphysique le “principe de participation comme forme ancestrale du principe d’identité”. Sans entrer dans le commentaire, marquons toutefois que Lévy-Bruhl fut toujours très clair quant à la participation, qui en aucun cas ne devait être comprise comme “principe” ni comme “loi”.

15 J. de Gaultier, Le Bovarysme. p.13.

16 Le Génie de Flaubert, introduction, p.6. Gaultier insiste sur le fait que la réalité du phénomène qu’il décrit sous le nom de bovarysme lui est apparue bien avant son premier contact avec l’oeuvre de Flaubert. Il faut relire cette introduction en forme de confession biographique pour saisir à quel point le bovarysme fut sa question essentielle, le problème existentiel par excellence qu’il devait se poser en termes philosophiques, pour lui-même et pour autrui.

17 Ibid.,p.14.

18 P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine, éd. Lemerre, p.148-149.

19 Le Bovarysme, p.19.

20 "Les groupes aussi, pour ce qui les concerne, sont pourvus de cette aptitude à se forger une représentation d’eux-mêmes sans rapport avec une réalité donnée. La force vitale d’un individu, d’un groupe, doit être évaluée à l’aune de l’illusion que ces derniers entretiennent à propos d’eux-mêmes. Ainsi qu’en fonction de la quantité d’efforts ou d’activités que leur illusion sera en mesure de produire.” B. Fondane, “De l’Ethique au Spectacle” (texte reproduit dans ce Cahier en annexe).

21 Mercure de France, 1903.

22 Le Bovarysme, p. 204-205.

23 Ibid., p. 205.

24 Sur le continu, voir J. de Gaultier “Le Réalisme du continu”, Revue philosophique, janvier 1910.

25 Le Bovarysme, p.221.

26 Titres de deux chapitres du Bovarysme.

 

27 Lucien Moreau, “De Kant à Nietzsche. Par Jules de Gaultier”, Revue encyclopédique, 1900, p. 427.

28 A la lecture de la Correspondance, si on constate une récurrence du thème de la contemplation, du refuge hors de la vie dans l’art, il semble cependant impossible d’affirmer avec Gaultier, que ces tentations, tout comme la fuite dans l’impersonnel et la passion du style, soient pour Flaubert sources de joie ou le but de la vie même. Ce sont de terribles souffrances issues justement de ce caractère bovaryque, c’est-à-dire inconsistant des êtres et des choses, ce qu’il appelle autrement: la bêtise”.

29 Les raisons de l’Idéalisme, p.152.

30 D’ailleurs un passage du manuscrit de 1925, Faux traité d’Esthétique, décrit par M. Jutrin dans ce Cahier confirme cette supposition: “Jules de Gaultier réduit le monde à un simple jeu phénoménal sans but, à un spectacle d’art. N’exagère-t-il pas?” (Chap. V). Dans “Réflexions sur le spectacle” (Cahiers de l’Etoile, juin 1928) la prise de distance est nettement établie.

31 A cet égard l’étude des ressemblances thématiques entre Gaultier et Chestov reste à faire, pour déterminer l’existence d’un fond chestovien préexistant en Gaultier.

32 “Jules de Gaultier”, Cahiers du Sud, no 255,1943.

33 “L’erreur, au départ, n’est-elle pas créatrice des actes? N’est-elle pas la seule signification et la seule garantie de vie? Voici donc le spectacle assuré: les religions sont bonnes, bonnes les croyances, bonnes les idoles, logiques ou sentimentales, bon tout moteur d’activité. Constatons avec joie que l’erreur combat encore les forces, pourfend l’immobilité, secoue l’inertie et crée éternellement l’intrigue, scélérate et sanglante, qui fait succéder les actes, pour le triomphe et la perennité du drame.”

34 “Jules de Gaultier, partant donc du principe de l’illusion, a avancé une méthode de critique littéraire selon lui très simple: “Sous cette perspective de l’Erreur, il faudrait recomposer l’histoire entière de la littérature, elle ne pourrait que gagner un ordre, une clarté, une généralité qu’aucun système de classement n’a pu lui donner jusqu’à présent, parce qu’une telle idée n’a en elle rien de fortuit, rien d’accident, rien d’emprunté aux considérations extérieures et parce qu’elle domine, au contraire, par son caractère psychologique, tous les faits et circonstances, parce qu’elle est intérieure à l’objet en cause, de par l’expression qu’elle soit de l’effort littéraire”.

35 Sur l’erreur écoutons encore Fondane: “Etablissant le principe de l’Erreur au départ, avant toute création, comme unique absolu dans un monde de rapports inconsistants et imprévisibles, Jules de Gaultier fait découler de l’état du monde puis du rôle de la philosophie, l’idée d’origine et celle de finalité.” “Jules de Gaultier”, Images et Livres de France.

36 G. Palante, La Philosophie du bovarysme. Jules de Gaultier, 1924.

Georges Palante (1862-1925), grand lecteur de Nietzsche, et dont Louis Guilloux fit un personnage de roman (Cripure, dans le Sang Noir).

37 B. Fondane, “Signification de Dada”, (texte que l’on peut dater de 1928 ou 1929) Le Voyageur n’a pas fini de voyager, p.5.

38 “Quand on a compris et démonté le mécanisme de l’illusion, quand le sujet lui-même ne parvient à se connaître qu’à travers de prisme de ses propre erreurs, on peut sourire devant un enfant sur la plage, qui a réussi à élever le plus ingénieux des châteaux de sable.” (Jules de Gaultier et l’art ), op.cit.

39 H. Bergson, “Introduction à la métaphysique”, La pensée et le mouvant.,P.U.F., 1999, p.177.

40 “Jules de Gaultier et l’art”, op. cit.

41 H. Bergson, “ Introduction à la métaphysique”, in: La Pensée et le mouvant, p. 178, op.cit,

42 “Jules de Gaultier”, Cahiers du Sud, no255, 1943.